Annexe

Débordement du torrent du Gamont le 13 juin 1858 et mention (dans les 3e réflexions) d'un débordement de l'Aiguille vers 1828.

Relation du maire de l'époque, Louis Massu, extraite du registre des délibérations municipales de Biviers.

Ce rapport manuscrit a été transcrit en respectant scrupuleusement syntaxe, orthographe et ponctuation. Les mots illisibles sont remplacés par des pointillés placés entre crochets. Les mots incertains sont suivis d'un point d'interrogation entre parenthèses.

Louis Massu habitait en rive droite du Gamont, sous l'actuel chemin de St-Hugues (NDLR).


Rapport du maire

Notions préliminaires

Le torrent du Gamond dont mon clos est riverain sur une longueur de 200 mètres et ma maison d'habitation adossée contre une de ses douves a un périmètre de réception de forme triangulaire dont deux canaux de réception en se fuyant et aboutissant à la base de la roche forment deux côtés, le troisième est la ligne de la roche même qui pour la réunion de ces deux points déploie une longueur de cent mètres.

Les deux canaux abandonnant le tronc par une bifurcation dans leur longueur, donnent naissance chacun à d'autres canaux qui fouillent le périmètre. Trois de ces canaux vastes ont des noms particuliers et constituent de véritables torrents connus par leurs dévastations individuelles.

Cette notion tracée pour indiquer le vaste du périmètre, sa puissance de réception ainsi que celle du transport par trois canaux principaux dont la pente dans cette région est de 20 à 25 degrés.

Il est un axiome rural et de l'expérience des faits que lorsque le sol est humide les fortes pluies sont impuissantes pour amener (?) les matières pierreuses dans les torrents : elles seules apparaissent et dès qu'on les voit, le péril ne peut exister, il avait plu trois jours avant le 13.

Individualité

Le 13 8 heures du soir, l'horizon était pur, 8 heures et demi quelques nuages s'amoncelaient sur la Commune, le lointain avait encore de la pureté ; neuf heures le choc a lieu, la foudre gronde, tonne, éclate et tombe.

Parce que j'ai dit, je devais être en sécurité, j'y croyais ; toutefois vent, pluie, tonnerre, bruit infernal était tel que j'ouvre une croisée sur la roche pour obtenir quelques discernements qui ne me parviennent pas, tant il y a de confusion dans les éléments.

Le fermier m'a vu, il va s'élancer, dit-il, dans le sommet du clos, pour reconnaître les bruits. Je vais à une croisée sur le midi, je discerne non un bruissement des eaux torrentielles, non le mugissement des matières pierreuses et acqueuses ; mais le déchirement, le carrodement (?) d'énormes blocs et de bouillie presque sèche contre les parois murées du lit. Je reviens à la porte du nord avec avertissement de l'appeler à sortir. Le fermier reparaît, à cet instant, il faut fuir, dit-il, le torrent déverse sur la voie publique, le portail s'affaisse, nous sommes pris par deux courants et des bavures. Sa femme et son enfant sont avec lui dans la cour. J'appelle ma famille, nous courons à l'extrémité de mon avenue qui a 120 mètres ; nous le dépassons de 100 mètres encore hors du péril, nous faisons halte.

Nous pouvons nous rendre à la grange, où j'ai deux pièces de secours, dont je prends toujours la clef, il faut aller à Meylan, ou rester où nous sommes pluie battante.

Le fermier propose de reconnaître les lieux, je dois rester avec les femmes et l'enfant, je me retourne la mienne a disparu, de constitution très délicate, brisée par six semaines d'éducation sans réussite, la crainte d'une dévastation, d'un redoublement de gêne, le péril l'épouvante, elle a fuit pendant les quelques paroles du fermier, nous appelons, nous courons, nous la retrouvons anéantie, nous revenons à notre halte.

Les lanternes sillonnent les abords du torrent traversé par la route de Meylan à St-Ismier, le temps se calme, le fermier reparaît, les dépôts du chemin bottet sommet de mon clos est considérable, je vais le reconnaître, on me suit à distance, je reviens en reprenant la tête de la petite caravane j'annonce à haute voix d'éviter un faux pas pour reprendre l'axe de mon avenue ; je décris moi-même une courbe trop grande, je dépasse et croyant marcher sur le plein, je tombe dans un vide de plus de deux mètres ; la luxation de l'épaule droite est le résultat de ma chute.

La plus grande partie de ces émotions, nous les avons ressenties 20 fois depuis 20 ans, ou par menaces ou par réalités. Elle m'ont amené à créer des défenses à moitié stériles qui ont amoindri mon avoir, car j'ai tout créé j'ai tout repurgé en amont et en aval et dans les parties dont je suis riverain, où j'avais enfin quelque intérêt et pour donner l'élan des réparations si difficiles à émouvoir et à obtenir.

Torrent

Le délitement de la roche est incessant tantôt avec fracas et poussière, le plus souvent avec moins de bruit. Le périmètre de réception a donc des masses de dépôts de tout volume. une trombe est tombée moitié sur le sommet du St-Eynard moitié à sa base, l'eau s'est précipitée furieuse comme pour fouiller les entrailles du sol, elle a soulevé et s'est immédiatement immergé de matières pierreuses comme un filet d'eau jeté dans la cendre, roule des gouttes cendreuses, l'avalanche a eu lieu dans les canaux de réception qui regorgeaient de matières. Le lit du levant qui a sa source près de celle de l'aiguille prend la sienne qui a sept mètres de profondeur 7 de largeur dans certains endroits d'une crête à l'autre, a fait des bavures et des dépôts tout le long de son cours pour arriver au canal tronc et a déposé sur ses digues des pierres de plusieurs mètres cubes, voir (?) le sommet des lisses Cottin toute la ligne Banc (?) chemin Boutet, dépôts Barral, Villat, Berthier le canal couchant a détruit le treillage Bouche id (?)

Le canal tronc pave, muré vaste, large, longeant la propriété Sénequier sur une longueur de 400 mètres reçoit toutes ces déjections il ne peut les contenir, il en regorge sur ses flancs et les propriétés particulières.

Le chemin Billeret et l'avenue Sénéquier le coupent, comprimées dans les parois du lit, les matières pierreuses trouvant cette double issue, se précipite à droite, à gauche et s'allégeant d'autant. Ces bavures forment un dépôt au passage dont une partie a fait chez M. Fanton d'un côté et forme de l'autre une traînée de 200 mètres de longueur chez Mme Sénéquier (?).

La masse continue son cours, son lit est resserré au-dessous du chemin du Bottet qui traverse le torrent au sommet de mon clos, le courant se précipite sur un coude en amont droite, déverse à plein bord sur le chemin privé qui monte à l'habitation Sénequier, jette 900 mètres cubes à la base de mes treillages riverains de ce chemin, entraîne ma citerne, coupe une fontaine et forme sur le chemin public 700 (?) mètres de matières qui s'élèvent à la hauteur de mon mur de défenses.

A gauche par l'ouverture du passage déverse sur le chemin d'Ariot 300 mètres cubes, pénètre cuisine et cour Carbillet, emplit toutes les parcelles derrière la maison Bernard menace et effraie tout le hameau après s'être amoindri, il entre enfin dans le canal dont je suis copropriétaire avec M. Bernard, déverse à droite et à gauche la profondeur (?) derrière ma maison fermière à 6 mètres, largeur 5 mètres de son trop plein et détruit et décrit une courbe de plus d'un mètre au-dessus de ses berges sur lesquelles il dépose blocs et matières à une hauteur supérieure à la toiture, après l'avoir dépassée, renverse une porte et le pilastre qui donnent sur son cours, là où finit mon clos dans lequel il a déversé 300 mètres ; là où M. Bernard devient propriétaire riverain des deux côtés, le courant a jeté à gauche des traînées qui frôlent le flanc droit de la maison Bernard, après l'avoir menacé d'une rasia complète, elle finit sur des longueurs de plus de 200 mètres. Partout désormais à gauche banc et dépôts ; la propriétaire (?) Bernard finit, à droite commence celle de M. Coste qui s'étend jusqu'au chemin de Meylan St Ismier par le village de Biviers. Le côté opposé appartient à Marchand, veuve Julie Chaix, Pierre Chaix Villat, chemin public cité.

Le canal se resserre de plus en plus des blocs énormes formant barrage et clef s'arrêtent dans la moitié de la longueur de ce nouveau périmètre, la douve gauche est emportée et l'on aperçoit comme la similitude des délaissés du Drac ; on quitte le torrent, on suit le dépôt plane (?) et large, on traverse les parcelles ci-dessus dénommées Marchand, dépôt Julie Chaix, Pierre Chaix 650 mètres, Villat, 1000 mètres, le mur de ce dernier qui longe la voie publique est emporté, les matières pierreuses l'ont traversé pour se jeter à travers champs.

(Pingeon fille, Pingeon fils)

Réflexion

Outre l'enlèvement de dépôts qui n'auront pas lieu dans beaucoup de parcelles puisque l'on achèterait chèrement un sol toujours exposé. Quelle est la valeur des dommages causés aux vignes traversées exemple tiré d'une comparaison : la femme Bouche par inattention laisse sa chèvre brouter 60 souches de Villat qui réclame 25 francs de dommage, on vient à moi, j'indique 12 francs et deux francs au Garde, ce qui est accepté de gré ; 14 francs pour 60 souches seulement broutées qui produiront l'année prochaine. Ici tout est anéanti, mais encore quel est cet anéantissement en face de tous ces dépôts que j'ai opérés, de ces repurgements que j'ai faits et refaits, de tous ces pavés renversés, radiers, berges murées que j'ai construites, élevés à des hauteurs prodigieuses depuis 20 ans, faisant pour moi, faisant pour les autres quand les autres ne voulaient rien faire par exemple.

Il y a huit ans, le lit est obstrué dans la partie où M. Bernard est propriétaire des deux rives, il déverse à gauche, néanmoins M. Coste en aval à droite, redoute quelque péril, moi je redoute une plénitude postérieure dans l'avenir qui me force à repurger. M. Bernard est dans l'impuissance de rien faire, M. Coste et moi payons le repurgement opéré par 25 militaires et de nombreux ouvriers tailleurs de pierre pour briser les blocs.

2e Réflexion

De toutes dépenses depuis 20 ans occasionnées par le torrent Gamond, c'est moi qui en ai supporté la plus grosse part entre les propriétaires Sénequier, Coste, Fanton, Bernard. De tous les désastres depuis même époque, c'est M. Bernard qui a reçu le plus, sa propriété est abîmée, il veut la faire déclasser.

3e Réflexion

Le canal de réception de déjection et d'écoulement se réduit. Quel résultat y aurait-il s'il n'était coupé de distance en distance de 300 à 400 mètres par des voies particulières et publiques qui lui permettent de se dégager d'une portion de ses blocs et de sa bouillie.

Le torrent de l'Aiguille a un périmètre de réception moindre, mais il reçoit une partie du déversement des eaux pluviales du sommet de la montagne dans une anfractuosité profonde du rocher à trois cents mètres de sa source. Son lit après une forme conide (?) par des déjections accumulées qui ont une largeur de 25 mètres. L'une fouillant les entrailles opère la débâcle, tout part, chemin bottet ; passage Chevalier, dépôt muraille 100 mètres, chemin du Pied de la Côte qui conduit à l'église, bavure à gauche, traînées à droite qui touche une maison dont une partie a été anéantie il y a trente ans, et où l'enfant Salmat (?) nourrisson perdit la vie ainsi que sa famille nourrissière. La famille locataire échappe par la fenêtre. Des traînées encores vont rejoindre en aval le chemin public du village près de Franquières après avoir déversé chez Aragon 270 mètres, Perroud, Lavaudan.

L'avalanche poursuit son cours, …. (?) élargit ses berges, bave à droite à gauche, franchit la voie publique et s'engouffre dans une longueur de 80 mètres dans le canal resserré de Franquières (Mme la Baronne de Vignet propriétaire) qui l'étreint, l'étouffe anéantit les mouvements de la …..(?) mais la voie publique est le déchargeoir de l'avalanche qui établit une muraille de 300 mètres à la gauche, dont la surface était plane ; s'échappe par la droite où l'inclinaison du chemin la favorise et rejette sur un hectare de lisses de Mme la Baronne, qu'il couvre semant ça et là d'énormes blocs, 100 mètres sur la droite du chemin, 1950 (?) chez Mme la Baronne, non compris les dépôts de ses terres en avant rive gauche.

Faible peinture de ce qui est

Torrent de Chapicole [le Piolet, NDLR] corrodement du pont Jacquemet, obstruction du torrent sur une longueur de 200 mètres près la route impériale [RN90] obstruction du pont de cette même route, près le château Rallet [Serviantin, NDLR].

Justification de mon individualité

si je l'ai représentée c'est qu'elle est le plus en relief par les menaces les dépenses, les émotions à tout orage, les suites nombreuses à l'apportement des secours ; j'en avais le plus, la conscience ; il fallait cette peinture qui s'applique à un personnel nombreux en 1ère ligne, M. Bernard, M. Corbillet, le village d'ariot, maison Chevalier, la famille locataire du pied de la Côte, le château de Franquières lui-même malgré ses fortifications, si la droite du chemin ne se fût pas trouvée en pente, le déversement eût lieu forcément dans le clos tel qu'il est, les dépôts sont au niveau des murailles.

J'ai voulu peindre la ruine des propriétaires riverains les plus exposés Mme la Baronne près du torrent, sur le coteau possède une ferme de 40 hectares dans la plaine exposée aux inondations presque annuelles, mais sous le coup du torrent dans le haut, possédant dans la plaine des terres qui ne produisent pas le triple impôt gouvernemental des digues et fossé Cantal.

Résumé

Plus de 20 000 mètres de matières ont été mis en mouvement, plus de 12 000 ont été déversés, sur les voies publiques et propriétés particulières ; des tranchées de 20 à trente cinq mètres par mètre courant des matières transportées ont apparu dans les torrents : mémoire d'homme ne se souvient d'une pareille débacle.

Secours pour la commune, il a été accordé (reconnaissance)

Le fermier m'a signifié la rupture de son bail pour cause de péril

Faire valoir avec des bras, rares par conséquent exigeants, …. les 50 kilogs et le blé production dont la nature a lieu à 15 heures (?), lorsque sa semence en coûte 40 (….) note pour la statistique.

Conclusion, il serait à désirer qu'il fût possible d'établir un syndicat dont le but serait d'acquérir un périmètre de déjection près de celui de réception et d'établir de barrages pour la division des eaux pour leur faire perdre leur force impulsive selon le système de M. l'ingénieur Gras.

Il faudrait alors des plans d'un ingénieur prudent et impartial afin de ne pas alléger une ligne de péril pour la transmettre à une autre, ce qui est très délicat dans ce système où les calculs peuvent être trompés par une irruption violente.

Le Maire a l'honneur d'offrir à M. le Préfet l'expression d'une vive reconnaissance et de profonds respects.

Pour transmission conforme, …. Massu, maire


[Non daté. Date probable : 4 juillet 1858]

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