Linky et le triphasé

Les abonnés en courant triphasé sont placés dans une situation inconfortable avec le compteur Linky. En effet, s'ils ont souscrit une puissance P, l'intensité limite de leur disjoncteur était réglée à la valeur I3 = P/(230x3), ce qui supposait que les 3 phases débitaient autant l'une que l'autre (équilibrage). Or, dans nos logements, c'est rarement le cas et cette valeur I3 était souvent dépassée, parce que la plupart des appareils sont monophasés. Mais ces dépassements n'avaient pas beaucoup d'effet avec les disjoncteurs anciens, car ils étaient peu rapides, peu précis et largement réglés au-dessus de la valeur théorique. Avec le linky, il en va autrement, puisque le disjoncteur incorporé est rapide et sans tolérance.

Que faire dans ce cas ? Bien sûr, il faudra que l'usager veille à ce que son réseau soit équilibré au maximum. C'est difficile avec les appareils ménagers, plus facile avec le réseau de chauffage. Mais si, comme c'est maintenant préconisé, on régule la température pièce par pièce grâce à des thermostats répartis, le bel équilibrage sera fortement compromis.

Autre solution : on peut envisager de passer en monophasé, qui, lui, n'est pas pénalisé par le déséquilibrage. Mais l'intensité nécessaire, à puissance égale, sera I1 = P/230 c'est à dire I1 = 3I3. Il est bien rare qu'un passage direct en monophasé soit accepté par le consuel parce que le câble de raccordement sera jugé de section insuffisante : le courant augmente d'un facteur 3 et on perd en plus un bonus – à vrai dire, peu justifié – d'un facteur 2 en faveur du triphasé (voir un cas spécial en fin de page).

On pourrait alors penser à mettre en parallèle 2 à 2 les 4 conducteurs du câble triphasé, ce qui équivaudrait à doubler la section du câble monophasé. Mais on serait encore loin du compte. Cette disposition n'est envisageable que si le câble triphasé initial avait été largement surdimensionné à l'origine. De plus, même si cette disposition est rationnelle, il n'est pas certain qu'elle soit acceptée par le consuel (on rappelle qu'un avis favorable du consuel est en général nécessaire pour obtenir un nouveau branchement sur le réseau public).

L'abonné ne sera cependant pas obligé de reconstruire entièrement son branchement, solution très onéreuse si la longueur du câble est importante. Il lui reste une possibilité, bien moins coûteuse, rester en triphasé avec ajout d'un délesteur. Il s'agit d'un appareil peu volumineux à installer dans le tableau. Il faudra revoir le câblage du tableau et raccorder au délesteur de manière judicieuse une partie des circuits intérieurs au logement. Cet appareil va mesurer la consommation sur chaque phase et, en cas de dépassement, délester (c'est-à-dire couper) des circuits – jugés non prioritaires –. Par exemple, on peut le câbler pour qu'il coupe le chauffage des chambres à coucher et celui de la cuisine dès qu'on met en marche la cuisinière électrique ou le four ; on évite ainsi le dépassement des valeurs autorisées. A notre avis, il n'est pas besoin alors d'une nouvelle inspection du consuel, puisqu'il n'y a pas de modifications mettant en jeu la sécurité.

Si plusieurs revendications anti-linky sont peu justifiées, celle concernant le triphasé ne devrait pas être prise à la légère. En effet, ce sont bien l'EDF et le gouvernement qui ont poussé autrefois les candidats à la construction à adopter le chauffage électrique et, par voie de conséquence, l'alimentation en triphasé, alors que ce type d'alimentation est très mal adapté au secteur résidentiel. La solution n'était acceptable qu'avec un réglage des disjoncteurs très tolérant. Or le linky, lui, n'est pas tolérant et place les abonnés triphasés en position très inconfortable. On peut dire que le contrat tacite n'est plus respecté. Ennedis devrait prendre à sa charge le passage de ces logements en monophasé ou, si c'est jugé trop coûteux, régler à une valeur élevée l'intensité de coupure du linky, par exemple à 2 I3, 2 fois la valeur d'équilibre. Si l'abonné profitait indûment de cet excédent, il serait vite démasqué par les puissants calculateurs d'Enédis et, donc, il n'y aurait pas d'abus et personne ne serait lésé.


Une remarque finale : il arrive que des abonnés disposent d'une puissance bien supérieure à leurs besoins, soit parce qu'ils ont été mal conseillés, soit parce qu'ils ont changé leurs appareils d'origine pour des outils moins gourmands, en particulier s'ils ont abandonné le chauffage électrique alors qu'il avait été initialement prévu. Ces abonnés pourraient sans doute passer facilement en monophasé sous certaines conditions.

1. Il faut faire la liste des appareils électriques du logement et la somme de la puissance de ceux qui risquent de fonctionner en même temps. Dans des logements monofamiliaux modestes, cette puissance ne devrait pas dépasser 6 kw. Au besoin, on diminuera cette puissance en troquant les lampes à filament les plus gourmandes pour des lampes à diodes (gain de 85 %) et on utilisera autant que possible un four micro-onde (gain de 66%).

2. En cas de chauffe-eau électrique, il faut, de préférence, souscrire un abonnement bitarif, mais également éviter la mise en route de cet appareil lorsque d'autres gros appareils sont en marche (cuisine par exemple). On pourra alors connecter ce chauffe-eau à une horloge, mais il sera plus confortable de le connecter à un délesteur (on ne le comptera donc pas dans la somme ci-dessus).

3. Les 4 conducteurs du câble triphasé actuel devraient pouvoir être associés 2 à 2 pour respecter les sections de cuivre imposés par la réglementation, malgré le bonus d'un facteur 2 (peu justifié) accordé au triphasé. Mais il reste à savoir si ce dispositif rationnel sera accepté par le consuel ou par Enédis (ci-dessus, extrait de la norme C15-100 publié par Schneider ; il donne la longueur maximum du câble de raccordement en fonction de sa section et de l'intensité du courant).


Note: Pourquoi est-il préférable d'utiliser le triphasé quand on a besoin d'une puissance électrique élevée ? C'est à cause du prix du cuivre composant le câble. En effet, si la puissance exigée est P, avec une section de câble S proportionelle au courant I, la masse de cuivre utilisée dans le câble de raccordement (de longueur L) est :
M1 = 2 ρ LS1 = 2 k L P/V , en monophasé (2 conducteurs)        (k étant une constante, ρ la masse spécifique du cuivre)
M3 = 4 ρ LS3 = 4 k L P/(3V), en triphasé (4 conducteurs).
En triphasé, la masse de cuivre du câble est donc inférieure de 33% à celle nécessaire en monophasé.
Et si l'on tient compte de l'annulation des courants par équilibrage, comme le font nos normalisateurs, le 4e conducteur devient inutile et le gain en cuivre est de 50%.
Ceci explique aussi que la mise en parallèle des câbles du triphasé ne soit pas toujours suffisante (pas assez de cuivre).

 

Retour Linky
Retour Accueil